Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

Où se perd l'intérêt se perd aussi la mémoire.
(Goethe [1749-1832], Maximes et Réflexions)

Comment mieux mémoriser

Mieux connaître le fonctionnement de la mémoire humaine

La mémoire c’est la vie

Nous sommes mémoire: l’absence de mémoire, c’est la mort. La mémoire est aussi essentielle à la survie des organismes que l'air, l'eau ou la nourriture. Les organismes les plus simples se passent de génération en génération, sous la forme d'un code génétique, ce que l'espèce a acquis au cours de l’évolution. Les individus des espèces plus évoluées, outre leur code génétique, apprennent de nouvelles choses au cours de leur vie, c'est-à-dire qu'ils mémorisent des informations sur leur environnement et s'en servent par la suite pour ajuster leurs comportements: autrement dit, l’apprentissage, c’est un changement plus ou moins permanent de notre structure mnémonique. De toutes les espèces vivantes sur terre, l'espèce humaine a développé cette capacité d'apprentissage à un point tel qu'il est quasi impossible d'en connaître les limites. Cette énorme capacité de rétention et de modulation des connaissances et des savoir-faire est liée, chez l'être humain, à l'extension formidable et récente du néocortex, cette mince couche de plusieurs dizaines de milliards de cellules nerveuses qui tapisse la surface externe de notre cerveau.

Chez l'être humain cette fonction de mémorisation a pris des proportions fantastiques. Si nous partageons avec notre parent le plus proche, le chimpanzé, 99% de la mémoire génétique, le 1% restant est responsable du développement de ce cerveau qui nous permet d'emmagasiner virtuellement sans limites tout ce qui peut être d'un intérêt quelconque pour nous. Entre autres, les milliers de visages, d'objets, de situations, d'événements qui nous permettent de reconnaître et de comprendre ce qui se passe autour de nous, les milliers de pensées, de gestes et de comportements qui nous permettent d'exercer nos activités quotidiennes les plus simples (se laver les dents, manger avec une fourchette, s'habiller) comme les plus compliquées (exercer un métier, faire de la bicyclette, réfléchir à son avenir, se préparer à une activité).

La mémoire, c’est aussi un fait de société

Cependant, si notre capacité d'apprentissage, donc de mémorisation, s'est accrue au point d'en être virtuellement illimitée, les connaissances et les techniques des sociétés modernes connaissent également une véritable explosion logarithmique. Le langage joue un rôle capital (mais pas exclusif) dans le développement de la mémoire et de la pensée en nous permettant de coder avec un ensemble limité de sons (les syllabes) et de signes (les lettres de l'alphabet) la presque totalité de nos expériences vécues et de consigner le produit de nos réflexions dans un troisième type de mémoire, extérieure à nous cette fois. Ces nouvelles connaissances sont donc stockées à l’extérieur des individus, dans des lieux et sur des supports divers (livres, vidéo, mémoires électroniques).

Les conséquences les plus directes de cet accroissement explosif des connaissances humaines se font sentir au niveau de l’éducation. Non seulement le volume des savoirs à apprendre augmente considérablement, mais, en outre, ils deviennent plus rapidement périmés. L’expertise dans un domaine tient donc au maintien et à l’accroissement incessant des informations stockées dans une mémoire individuelle et aux habiletés à retrouver rapidement des informations dans une mémoire collective.

La mémoire joue un rôle central dans toute pensée

Notre mémoire est tout à la fois un réservoir d'informations et un outil nécessaire à la compréhension de notre environnement et des situations auxquelles nous avons à faire face. À chaque instant de notre vie, nous recevons des millions de stimulations par le biais de nos yeux, de nos oreilles, de notre langue, de nos narines, de notre peau, de nos mains, de nos muscles, de nos viscères. C'est à l'aide de ce que nous avons construit et reconstruit dans notre mémoire depuis la petite enfance, voire dans le ventre de notre mère, que nous analysons, intégrons, reconnaissons, interprétons, comprenons, sélectionnons et utilisons à notre profit ce qui nous vient de notre monde intérieur et extérieur.

C’est aussi un outil nécessaire à l'imagination, à la prévision, à la prévention et à l'invention. C'est à l'aide de cette même mémoire que nous pouvons nous rappeler notre passé (en partie) et que nous pouvons imaginer notre futur immédiat ou lointain, réfléchir à celui-ci, estimer les conséquences de nos actions et prendre des décisions en vue de le contrôler (un peu) à notre avantage. C'est notre mémoire qui fait que nous sommes, chacun d'entre nous, un être unique, sans nul autre semblable.

En résumé la mémoire c'est :

  • La capacité à acquérir de nouvelles connaissances et habiletés.
  • La capacité à rappeler les connaissances et habiletés acquises de façon appropriée quand le besoin s’en fait sentir.
  • Un modèle réduit plus ou moins organisé et plus ou moins cohérent du monde, que nous réajustons et raffinons régulièrement et avec lequel nous interprétons et donnons du sens à la profusion de stimulations qui bombardent sans cesse nos sens.
  • Une banque de données considérable sur une variété tout aussi considérable de sujets et de techniques.

La mémoire est une fonction capitale pour la réussite des études

La réussite des études dépend de plus en plus des habiletés intellectuelles et sociales sous-jacentes à l'acquisition, à la rétention et au rappel des connaissances. Au niveau des études secondaires, puis supérieures, la mémorisation n'est plus un processus facile et automatique. Elle exige au contraire une intention délibérée d'apprendre quelque chose de précis, un effort intellectuel, un niveau d'attention et de concentration suffisant et la connaissance pratique de stratégies et de techniques de mise en mémoire et de récupération. L'habileté à contrôler l'esprit et l'attitude avec lesquelles on étudie une matière fait alors la différence entre un apprentissage pénible et infructueux et un apprentissage efficient et agréable.

Les avantages de contrôler sa mémorisation :

  • Enregistrer plus facilement et retenir mieux
  • Pouvoir se rappeler ce dont on a besoin au moment opportun
  • Réduire le stress et l'anxiété des examens
  • Favoriser une construction durable des connaissances
  • Éprouver du plaisir à apprendre

Origine des problèmes de mémorisation

Qui n'a pas connu durant ses années d'étude cette frustration d'avoir passé de longues heures à étudier une matière et d'en avoir oublié la majeure partie le lendemain, et la presque totalité quelques jours ou quelques semaines plus tard. Les problèmes typiques reliés au manque de contrôle de sa mémorisation sont les oublis et les erreurs, les difficultés à enregistrer et à se rappeler la matière apprise, l’évaporation des connaissances acquises avant ou après les examens, le sentiment d’étudier pour rien, l’impression de réapprendre du déjà vu, de la confusion, le constat d’avoir dérivé hors du sujet imposé en produisant un travail, l’oubli d’une partie des consignes ou des données du problème posé, le sentiment qu’il y a trop d’informations à gérer, etc.

La mémoire est-elle une capacité immuable héritée de nos gènes? Est-elle une habileté qu'on peut développer à l'aide d'exercices appropriés? Faut-il que quelqu'un d'autre nous fasse découvrir comment utiliser notre propre potentiel de mémoire? Apprenons nous tous de la même façon? Tous les apprentissages s’inscrivent-ils en mémoire selon un même processus? Autant de questions pour lesquelles les spécialistes de la mémoire humaine et de l’apprentissage cherchent des réponses.

Les sources des problèmes de mémoire sont multiples. Si l’on exclue les difficultés d’origine neurologique, comme une lésion cérébrale ou une maladie dégénérative, l’origine d’une difficulté récurrente peut être d’ordre affectif et motivationnel, comme un manque d’intérêt ou de conviction, une croyance erronée sur sa capacité ou des objectifs irréalistes. Elle peut aussi être d’ordre cognitif et stratégique, comme l’absence ou des connaissances erronées sur le fonctionnement de la mémoire et des stratégies de mémorisation inadéquates. En ce qui concerne les stratégies, citons les déficits d’observation et d’organisation des informations, de sélection de ce qui est essentiel et de synthèse, l’apprentissage mécanique d’une matière qu’on ne comprend pas, la croyance qu’il suffit d’avoir compris pour retenir, le manque d’exemples concrets et personnels, etc. On trouve aussi des déficits dans les habiletés ou les habitudes d’enregistrement, de consolidation et de maintien des traces mnémoniques, comme l’absence de rappels et de révisions, des révisions trop peu fréquentes et trop tard. Sur le plan de la réalisation d’une tâche ou de la résolution d’un problème scolaire, l’ignorance des limites en temps et capacité de la mémoire de travail amène des élèves à vouloir tout traiter mentalement au lieu d’utiliser des notes et des modes de représentation adéquats des données pour soutenir la pensée et le raisonnement, etc.

Être en mesure d'enregistrer et de se rappeler au moment opportun les connaissances ou les savoirs faire étudiés et pratiqués est fondamental. Sans mémorisation, il n'y a pas d'apprentissage, pas de progrès, pas de développement personnel. L'expérience ne devient apprentissage que si elle enrichit ou modifie notre représentation du monde, notre comportement, nos habiletés intellectuelles, sociales, motrices, et ce de façon quasi irréversible et permanente.

La mémoire s’apprend et ses déficits sont réversibles, à condition d’apprendre comment elle fonctionne (savoir métacognitif), et de pratiquer les stratégies de mémorisation les plus efficientes pour soi (autorégulation métacognitive).

Le fonctionnement de la mémoire

Mémoire sensorielle, mémoire de travail, mémoire à long terme

La mémoire sensorielle

Les sons qui arrivent à nos oreilles, les rayons lumineux qui entrent dans nos yeux, les molécules chimiques qui chatouillent nos narines ou titillent notre langue, les pressions qui s'exercent sur notre peau et nos muscles laissent dans les zones du cerveau qui les reçoivent sous forme de signaux électriques une impression passagère (quelques dixièmes de secondes) mais d’une durée suffisante pour permettre à notre cerveau de comparer ces stimulations à ce qu'il a déjà en mémoire, de reconnaître de quoi il s'agit (perception) et de décider si cela vaut la peine d'être examiné de plus près (attention). Tout cela plus ou moins à l'insu de notre conscience. Si notre attention est attirée pour une raison quelconque, comme un son inhabituel, un éclat de couleur, un mouvement rapide, un objet intéressant, une interpellation, une personne attirante, alors seulement nous prenons conscience de cette chose particulière.

La mémoire de travail

C’est cette phase du processus de traitement des informations qui est associée à la conscience et à la mémoire de travail, appelée aussi mémoire à court terme ou mémoire vive. C’est aussi par cette mémoire « consciente » que passera l’enregistrement des informations dans une mémoire à long terme où ces informations seront stockées pour une durée plus ou moins longue, en fonction de leur consolidation, sous forme d’engrammes (chaque engramme serait constitué par une modification plus ou moins permanente dans la constitution et l’organisation d’un ensemble de cellules nerveuses).

La mémoire de travail joue donc un rôle d’intermédiaire très important entre les stimuli et notre mémoire à long terme, au sein de laquelle sont emmagasinés toutes nos connaissances et nos savoirs faire déjà acquis. Elle est associée à la reconnaissance et à l’interprétation consciente du monde qui nous entoure, et à l’enregistrement des nouvelles acquisitions dans la mémoire à long terme. Fait intéressant, cette mémoire de travail, dont on peut maintenant situer le siège dans les aires préfrontales, est reliée étroitement au cerveau central ou système limbique, dit également cerveau mammifère, qui est aussi le siège des émotions. La mémorisation a une dimension émotive, qui tient à l’importance qu’une information a pour notre vie immédiate ou future. D’où l’importance de la signification et de la motivation dans l’enregistrement et la rétention des connaissances acquises.

Alors que notre mémoire à long terme peut stocker une quantité quasi illimitée de données, notre mémoire de travail est au contraire très limitée en capacité (de cinq à neuf unités d’information simultanées) et en durée (quelques dizaines de secondes s’il n’y a pas répétition). Ces limitations de notre mémoire de travail sont à l’origine de bien des difficultés d’apprentissage et de résolution de problème. Les difficultés de raisonnement sont plus liées à la difficulté de gérer simultanément les données présentes, les connaissances acquises, les hypothèses et les déductions, qu’au manque de logique. Nous ne pouvons assimiler qu’un nombre réduit d’éléments nouveaux, par petites doses successives. Des problèmes complexes aux données nombreuses doivent être découpés en petites étapes ou en sous-problèmes.

En résumé, la mémoire de travail, c'est le lieu où se tricote notre pensée, c'est le centre de transit et d'élimination, de combinaison, d'assemblage, d'étiquetage et d'aiguillage des trains d'informations qui s'y succèdent en provenance des sens comme de la mémoire à long terme.

La mémoire à long terme

C'est là où se retrouvent toutes les informations que nous avons conservé, délibérément ou à notre insu. Cette mémoire, contrairement à la précédente, a une capacité de rétention virtuellement illimitée, pour des durées allant de plusieurs mois à la quasi permanence. C'est en quelque sorte la bibliothèque où sont stockés, entreposés, rangés nos souvenirs, nos connaissances, nos habiletés intellectuelles, physiques, et sociales (nos savoirs, nos savoirs faire, nos savoirs être). À la différence d’une bibliothèque cependant, il faut considérer que ces souvenirs ne sont pas fixés une fois pour toutes dans leur forme originelle, mais au contraire reconstruits, donc déformés, au fur et à mesure que de nouvelles données sont enregistrées.

Cette mémoire à long terme pourrait ressembler à un immense réseau (comme Internet) où les divers éléments qui composent chaque savoir sont inextricablement reliés les uns aux autres, souvent de façon surprenante, par affinités de signification et par ordre logique aussi bien que par des émotions, des images ou des sonorités communes, des simultanéités au moment de l'enregistrement et autres formes d'associations très personnalisées. La mémoire à long terme, c'est notre banque de données, notre bibliothèque, notre boîte à outils, notre répertoire de rôles, notre garde-robe de personnages, notre cinémathèque holographique multimédia. Mais sa richesse se mesure non pas à ce qu'elle contient mais à ce qu'on est capable d'y repêcher et à l'usage qu'on en fait, donc à l'ordre qu'on aura pris soin d'y instaurer pour s'y retrouver.

Organisation des connaissances dans la mémoire à long terme

Il existe plusieurs types de mémoires : visuelle (images), auditive (sons), verbale (concepts), kinesthésique (schèmes d’action), autres (odeurs, touchers, postures, sensations internes). Chacune de ces mémoires a ses lieux (une zone plus ou moins étendue du cortex cérébral) et son fonctionnement particulier. Le souvenir d’un événement précis combinera plusieurs éléments de plusieurs types. Il est souvent associé à une émotion particulière.

Les spécialistes de l’organisation des connaissances en mémoire distinguent deux grandes catégories de mémoire :

  • Une mémoire procédurale qui se souvient du « comment on fait pour… », très automatisée et peu accessible à la conscience pour ce qui est des habiletés de base comme la lecture, le décodage de la parole, le repérage spatial (d'où la difficulté qu'on éprouve souvent à expliquer et à enseigner ces procédures qui semblent si naturelles); ou plus complexe, consciente et réfléchie, comme dans le cas des stratégies d’apprentissage. Les spécialistes du domaine font une distinction supplémentaire entre le fait de connaître une procédure et le fait de savoir dans quelles circonstances appliquer cette procédure, un type de connaissances qu’on appelle connaissances conditionnelles.
  • Une mémoire déclarative qui se souvient des faits, des idées, des expériences vécues, des concepts, des explications, des démonstrations et des blocs de connaissances, accessible à la conscience mais également active au niveau inconscient. Dans cette dernière, on peut encore distinguer entre une mémoire épisodique, qui se souvient des expériences vécues, auxquelles sont liées des émotions, et une mémoire sémantique qui se souvient de connaissances plus générales, plus abstraites, comme le langage, la définition de concepts, et les connaissances de tous genres, littéraires, scientifiques, économiques, légales, etc.

Ces différentes catégories de connaissances sont constituées en réseaux très polymorphes, en partie logiques et en partie illogiques, inattendus, surprenants, d’un point de vue sémantique tout au moins. Les associations entre les idées, les images et les émotions sont liées d’une part à notre histoire personnelle, d’autre part à la logique interne des matières et disciplines.

Le processus d’enregistrement dans la mémoire à long terme

Trois processus successifs et reliés entre eux permettent l’encodage des informations dans la mémoire à long terme. Le premier est le processus de perception par lequel des stimuli sont reconnus et interprétés. Le deuxième est le processus d’enregistrement par lequel des informations nouvelles sont stockées en mémoire. Et le troisième est un processus de consolidation par lequel la première trace est renforcée jusqu’à former un engramme durable, lequel permettra à son tour une reconnaissance rapide de ces informations.

Notre mémoire n'est pas neutre : elle est affective

Plaisirs, peurs, anxiété, colère, désir, tristesse, tous nos souvenirs ont une certaine coloration émotive, légère ou très vive. Ce que nous apprenons et retenons en général le mieux, c'est ce à quoi nous attribuons une valeur affective, à tort ou à raison, pour la satisfaction de nos besoins.

Les études sur le cerveau ont montré que certaines zones centrales responsables des émotions étaient aussi des zones nécessaires à l'ancrage des informations dans la mémoire à long terme. Autrement dit, sans un intérêt minimum direct ou indirect, soit que nous anticipions un plaisir du fait même d'accomplir l'activité d'apprentissage (motivation intrinsèque), soit que nous anticipions une récompense ou que nous évitions une punition (motivation extrinsèque), il n'y aurait pas de mémorisation durable. De fait, nous passons notre temps à sélectionner, consciemment et inconsciemment, ce que nous garderons et ce qui est destiné à l'oubli. Nous n'acheminons vers notre mémoire qu'une minorité des informations qui nous parviennent de notre monde. La grosse majorité est évaluée et oubliée aussitôt que reconnue.

Chacune de nos expériences est une source d'apprentissage. De nos aptitudes et de nos habiletés à tirer des leçons de ces expériences et surtout de retenir ces leçons en vue d'une prochaine fois dépendent, en partie du moins, le contrôle de notre vie. Plus une expérience est « marquante » et plus vite elle « s'imprime » dans notre cerveau, certaines pour la durée entière de notre vie (en général il suffit de se brûler une seule bonne fois pour apprendre à garder ses doigts à distance de la flamme). Les expériences moins marquantes sont oubliées plus vite, surtout les expériences désagréables. Seule la répétition régulière de ces dernières fait qu'elles finissent pas s'inscrire de façon plus ou moins permanente dans notre cerveau.

Nous ne mémorisons pas tout de la même manière ni avec la même facilité

Alors que nous mémorisons sans effort des scènes de notre vie et une grande quantité de visages, alors que nous nous rappelons facilement les habiletés apprises comme faire du vélo, du ski ou taper sur un clavier d'ordinateur, même après de longues périodes sans pratique, nous éprouvons au contraire beaucoup plus souvent des difficultés à mémoriser des mots, des noms, des informations verbales, des concepts, des règles et nous les oublions assez vite dès que nous n'en faisons plus usage, soit que ces informations s'effacent, soit que nous ne soyons plus capables de retrouver le chemin qui mène à elles. À chacun de ces différents types de mémoire seraient associées des zones différentes du cerveau et des processus d'ancrage et de rappel spécifiques.

Peut-on se fier sur sa mémoire?

La mémoire est la fonction qui oublie. Cette boutade de Sigmund Freud indique à quel point la mémoire du passé est considérée comme un très mauvais témoin. Même les souvenirs que nous croyons parfaitement authentiques sont presque toujours des reconstitutions déformées au gré des répétitions, influencées par nos désirs, par des suggestions, par des informations acquises postérieurement, ou par besoin de rendre cohérents des faits disparates et de combler les trous.

L’oubli, c’est la santé mentale. Imaginez que nous ne soyons pas capables d'oublier. Nous aurions toujours présents en tête les moindres détails de chacune de nos journées, de chaque conversation, de chaque chose vue et entendue, sentie et goûtée. Nous pourrions par exemple nous rappeler chacun des repas de notre vie entière. En grandissant, puis en vieillissant, nous passerions de plus en plus de temps à chercher les informations pertinentes parmi un fatras d'informations sans aucune espèce d'intérêt, un peu comme chercher le souvenir d’un moment particulier dans un album de photographies qui contiendrait notre vie minute par minute. Contrairement à la maladie d'Alzheimer qui tue en effaçant graduellement des connaissances essentielles à la vie quotidienne, nous mourrions noyés sous une avalanche croissante de données sans valeur utilitaire.

L’oubli prend plusieurs formes. L'amnésie antérograde est une forme d’oubli qui se produit par défaut de constitution ou de consolidation d'une trace durable dans la mémoire à long terme. L'oubli survient par déplacement. Dès que notre attention est attirée dans une autre direction, l'information précédente s'efface. Une intention peu affirmée, l'absence d'un effort volontaire, le fait de ne pas avoir développé de stratégies adéquates pour retenir ce qui ne se retient pas tout seul, l'absence de révision aux moments opportuns font que les informations désirées ne laissent pas de traces mnésiques dans le cerveau. Ce type d'oubli augmente avec l'âge, le stress, l'alcool, la marijuana et certains médicaments.

L'amnésie rétrograde est une forme d’oubli qui se produit par incapacité d'aller récupérer dans sa mémoire une information ou des connaissances qui y sont pourtant bien implantées. Hormis les situations de maladies, d'intoxications ou de lésions du cerveau, les raisons d'une telle incapacité sont diverses, on peut l'attribuer :

  • Au refoulement : nous ne désirons pas vraiment avoir accès à des souvenirs ou à des informations associés à des émotions pénibles (remords, souffrance, colère). Malheureusement pour nous, ce type de souvenirs influence à notre insu certains de nos comportements et sont responsables de certains aspects de notre personnalité (refoulement de type freudien).
  • Au non-usage : aucun apprentissage n'est acquis pour toujours. Réussir un examen quelconque ne veut pas dire que les connaissances seront récupérables quelques semaines ou quelques mois plus tard. Les connaissances et les habiletés intellectuelles acquises, mais qu'on a peu souvent l'occasion d'utiliser, deviennent de plus en plus difficiles à récupérer. C'est ainsi que la majeure partie des connaissances apprises à l'école s'évanouit comme fumée. Par contre, on les réapprend beaucoup plus vite quand le besoin s’en fait sentir.
  • Au manque d'indices appropriés : c'est ce qui nous arrive quand nous rencontrons quelqu'un dans une occasion différente de celle où nous l'avons fréquentée quelques mois ou quelques années plus tôt, que nous reconnaissons son visage, mais dont nous sommes incapables de nous rappeler le nom ainsi que les circonstances dans lesquelles nous l’avons connue. Nous enregistrons presque toujours une information avec des indices du contexte auquel elle est associée. L'absence de ces mêmes indices au moment où nous recherchons cette information dans notre tête peut nous rendre incapables de la retracer. Quelle gêne parfois!
  • Aux interférences dues à des informations concurrentes : c'est le cas lorsque des connaissances de même type sont apprises l'une en arrière de l'autre. Soit que les premières acquisitions nous empêchent de bien mémoriser les secondes (interférence proactive), soit que les secondes contribuent à déformer ou à effacer la mémoire des précédentes (interférence rétroactive). Par exemple, apprendre l'espagnol après avoir appris l'italien ou préparer un examen de philosophie successivement à un examen de psychologie donne souvent lieu à des confusions entre ces matières relativement semblables.
  • À des chocs physiques ou émotionnels sévères : telle est l'amnésie qui survient à la suite d'un accident ou d'un choc nerveux. Curieusement ce type d'amnésie est très sélectif, en ce sens que certains souvenirs ou certaines connaissances disparaissent intégralement alors que d'autres subsistent sans aucune altération.

Le processus de récupération dans la mémoire à long terme

Une partie du processus de récupération en mémoire à long terme est automatique. Il se déclenche de lui-même en fonction des événements. Le processus d’identification et de reconnaissance (objets, personnes, codes, mots, patrons divers) est quasi immédiat, court-circuite la mémoire à court terme et échappe ainsi au contrôle délibéré de la conscience. Ce processus a des avantages, notamment son automaticité et sa rapidité. Mais il a aussi des inconvénients. En effet, il impose après coup ses contenus à la mémoire de travail, en attirant son attention vers des aspects de l’environnement qui peuvent nuire à la concentration (distractions) ou en fournissant « toutes cuites » des interprétations qui se révéleront erronées par la suite. Ce processus spontané de récupération doit donc être soumis à un second regard, conscient et délibéré.

Une autre partie du processus de récupération est plus lent, délibéré, volontaire et exige un effort de recherche. En général nous savons si nous savons quelque chose sur un sujet (métamémoire) et nous ne cherchons que si nous croyons avoir ces informations dans un coin de notre cerveau (un nom, une formule, un souvenir). L’effort de recherche ne donne pas toujours des résultats immédiats, mais une fois le processus de recherche enclenché, il se poursuit même à notre insu, nous révélant quelques heures ou quelques jours plus tard le nom ou les connaissances que nous avons cherché en vain. Il n’est pas rare par exemple de se rappeler de tout ce qu’on a « oublié » de dire lors d’un examen, quand le temps est fini et qu’on en est sorti.

Ce processus de récupération peut être facilité car il est aussi fonction du processus d’enregistrement. On a en effet tendance à retrouver ses connaissances dans le même ordre qu’on les a apprises et consolidées. Il faut donc mémoriser ses connaissances en fonction du mode de récupération souhaité et non le contraire. Cette caractéristique a beaucoup d’importance pour la préparation des examens et pour l’acquisition d’une expertise professionnelle, deux types de préparation qui ne convergent malheureusement pas souvent.

Mémoire et émotions

La motivation à l’apprentissage, la valeur affective et les émotions jouent un rôle capital dans la l’enregistrement, la rétention et la récupération des connaissances. Une motivation intrinsèque, le plaisir d’apprendre, l’intérêt manifesté pour le sujet, la signification profonde de cet apprentissage, a les meilleurs effets. Ce type de motivation peut se développer en travaillant sur ses propres attitudes, si elles sont négatives, sur son sentiment de compétence, s’il est faible, sur ses buts et objectifs, s’ils sont absents ou flous, sur son approche d’apprentissage, si elle est superficielle. Le succès engendre la motivation qui engendre le succès qui engendre la motivation. À défaut de motivation intrinsèque, la valorisation de l’effort, la reconnaissance des pairs ou de l’enseignant, un système de récompense peuvent aussi avoir un effet bénéfique sur la mémorisation, quoique de moindre durée.

Mémoire et stress

Le stress peut avoir des effets dévastateurs sur la mémoire, autant sur la capacité à enregistrer des informations nouvelles que sur la capacité à récupérer des informations acquises. En situation de forte pression émotive, par peur, sous le coup de la colère, ou par passion amoureuse par exemple, on devient moins réceptif, donc plus susceptible de ne pas enregistrer des informations pourtant importantes comme les consignes d’un exercice ou le sens d’une question d’examen, ou d’avoir de la difficulté à se rappeler les connaissances pertinentes à la situation, quoi faire, quoi dire, comment se comporter. L’anticipation de ces effets permet de se préparer en conséquence et de réfléchir aux stratégies à utiliser le cas échéant.

Mémoire, impulsivité et spontanéité

L’impulsivité consiste à répondre sans avoir réfléchi. Elle se traduit principalement par une absence de réflexion sur ce qui est demandé, une observation superficielle, incomplète et imprécise des données, un défaut d’intériorisation des informations importantes et une absence de vérification. Sollicitée par une question ou une situation, la mémoire tend à nous restituer spontanément plusieurs des informations nécessaires à la réponse dans un ordre et une forme qui ne sont pas toujours adaptés à ce que requiert la question ou cette situation. Il est donc prudent de dissocier le temps de la récupération des informations pertinentes de celui de leur organisation dans une réponse adaptée.

Mémorisation, organisation, planification et gestion

Le rappel et la révision de ce qui a été oublié sont les deux processus par lesquels la mémoire des connaissances se construit. De plus, il existe des périodes clés pour que ce travail de rappel et de révision soit efficace et efficient, soit le maintien des connaissances avec un minimum d’investissement en temps et en effort. Ce processus, comme tout ce qui s’inscrit dans le temps, doit être prévu et planifié. Les temps d’organisation du matériel en vue de leur mémorisation et les temps de rappels et révisions doivent faire partie d’un échéancier et des listes de tâches d’apprentissage.

Mémorisation, attention et concentration

L’étude en vue de mémoriser des connaissances est le type d’activité d’apprentissage le plus exigeant en matière de concentration. Il est donc prudent de choisir les périodes et les environnements les plus appropriés pour cela. Un lieu tranquille, un environnement libre de distractions, un moment de la journée où l’on est frais et dispos, de l’eau, un siège confortable mais pas trop, des pauses à intervalle régulier, de quoi prendre des notes…

Mémorisation et compréhension

Mémoriser mécaniquement sans comprendre est une absurdité, mais comprendre sans retenir ne sert pas non plus à grand chose. Mémorisation et compréhension sont souvent présentés comme des opposés, alors qu’il s’agit bien plus de processus intégrés et nécessaires l’un à l’autre pour une qualité d’apprentissage. La compréhension d’un texte ne suffit pas à elle seule pour assurer sa rétention, mais elle est une condition importante, voire indispensable dans la construction des connaissances. La mémorisation complète l’apprentissage en assurant la consolidation des éléments essentiels de ces connaissances dans la mémoire à long terme.

Mémorisation, conceptions et approches d’apprentissage

Un apprentissage de surface tend à mettre l’accent sur la mémorisation mécanique par répétitions successives des éléments de connaissance dans la forme où ils sont présentés dans le cours ou le manuel. L’attention va au détail, souvent au détriment de la vision d’ensemble. Les définitions des concepts sont apprises mot à mot plutôt que comprises dans leur signification et leurs implications. Les connaissances enregistrées en mémoire se présentent ainsi sous une forme rigide, souvent inappropriée à leur utilisation (sauf dans le cas d’examens fondés sur la reproduction identique des connaissances). Au contraire, une approche en profondeur, fondée sur la compréhension et l’appropriation personnelle des connaissances contribue à un ancrage en mémoire plus souple, plus associatif, plus utilisable.

Les stratégies de mémorisation

Nous avons vu que certaines acquisitions se font apparemment sans peine, sans effort et souvent même malgré soi, comme des événements marquants, des visages attachants et certaines expériences «brûlantes». Les habiletés psychomotrices comme conduire une automobile, faire du vélo ou du ski, nager ou danser, s'acquièrent avec la pratique et l'entraînement régulier sans demander un effort délibéré de mise en mémoire et se conservent malgré de longues interruptions.

Il n'en va pas de même, pour la plupart d'entre nous, d'une masse de connaissances et d'habiletés intellectuelles qui demandent un effort délibéré pour être acquises et des révisions à intervalles réguliers pour se conserver. Le moindre métier exige d'avoir mémorisé un plus ou moins grand nombre de concepts spécifiques, de procédés et de règles. Les conseils qui suivent sont particulièrement destinés à faciliter la mise en mémoire et le rappel de ces savoirs intellectuels. L'ensemble des stratégies, des méthodes et des techniques de mémorisation peuvent être ainsi rassemblées en quatre grands principes.

Pour bien retenir, il faut ...

  1. avoir une intention claire, être motivé à la réaliser et planifier en conséquence;
  2. omprendre, approfondir et s'approprier le savoir visé;
  3. réduire le matériel à « mémoriser » à l’essentiel;
  4. se rappeler, réviser et utiliser les connaissances acquises.

Intention -- Approfondissement -- Synthèse -- Intériorisation

L'intention

C’est un principe stratégique qui consiste à mettre au clair ce qu'on se propose de retenir et pourquoi. Quand on vise un objectif de mémorisation précis, on est plus à même de choisir les moyens adéquats pour l'atteindre et pour en vérifier la réalisation. Quand on sait pourquoi on veut atteindre cet objectif, on est d'autant plus motivé à fournir l'effort nécessaire à son atteinte.

On ne peut parler d’intention sans évoquer signification et motivation. Alors qu’on retient en général plus rapidement et plus facilement les connaissances et les habiletés pour lesquelles on éprouve une forte motivation intrinsèque, il n’en va pas de même pour bon nombre de matières scolaires obligatoires. Non seulement l’intérêt n’est pas forcément au rendez-vous, mais le manque de confiance en soi ou le sentiment de ne pas être compétent à apprendre dans un domaine donné inhibe l’intention d’apprendre. Dans un tel cas, il est plutôt normal de réagir par une attitude négative, des pensées défaitistes, une tendance à remettre au lendemain et l’étude à la dernière minute. Adopter une attitude positive et étudier dans un climat de détente, se faire confiance et s’accorder des petites récompenses pour son travail favorisent le travail de la mémoire. Dans le cadre de cette documentation, nous allons supposer que la motivation y est, désir de réussir et bonne volonté, mais que les stratégies de mémorisation sont peu efficientes, résultant en une performance médiocre.

Ayant clarifié ses intentions générales par rapport à un apprentissage désiré, il faut encore qu'on clarifie, cas par cas, ce qui devrait être su par cœur, ce qu’on doit savoir où trouver rapidement et ce qui peut être laissé dans les livres pour consultation au besoin. Il y a donc une réflexion à mener pour décider quoi et pourquoi mémoriser telle chose plutôt que telle autre. Avoir mémorisé des informations dont on a un usage régulier représente un gain de temps considérable (pensez à un médecin qui devrait passer en revue ses manuels de médecine pour le moindre bobo). Par contre, faire un effort important pour mémoriser des connaissances qu'on a de grandes chances d'oublier d'ici à ce qu'on en ait l'usage, c'est inutile et frustrant.

Les stratégies

Nous retrouvons sous ce principe toutes les stratégies consistant à clarifier et à préciser ce que l'on veut mémoriser, ainsi que les conditions dans lesquelles on est susceptible de se resservir de ces connaissances. La mémoire est un projet tourné vers l'avenir et non la trace du passé. Et comme pour tout projet, cette intention doit être traduite en termes d'objectifs précis et l’atteinte de ces objectifs étalée dans le temps selon un plan prévoyant les périodes nécessaires à l'étude et aux révisions subséquentes (voir stratégies de gestion des ressources). La mémoire est une fonction qui oublie : à défaut d’une utilisation fréquente des connaissances et des habiletés acquises, celles-ci ont tendance à devenir de plus en plus difficiles à rappeler (oubli par impossibilité de récupération). De plus, chaque nouvelle leçon a tendance à reléguer progressivement aux oubliettes les leçons précédentes (oubli par déplacement et défaut de consolidation de la trace mnémonique). La mise en mémoire des connaissances scolaires est un processus qui se planifie longtemps d’avance et non à la veille des tests, des examens ou des mises en application. Le temps est en effet un facteur clé de tout apprentissage intellectuel, scolaire et autre. Comprendre, approfondir, établir des liens, transformer et synthétiser la matière pour en faciliter la mémorisation, l'inscrire dans sa mémoire et la réviser à la fréquence souhaitable est un processus qui se fait par étapes et qui s'étale sur un certain laps de temps. Contrairement à ce qu'on pourrait penser en lisant ces lignes, ce processus ne consomme pas beaucoup d’énergie mentale. Quelques minutes de révision bien placées sont plus efficaces que des heures de « bourrage de crâne » à la veille d’un examen, et la rétention des connaissances à long terme bien plus grande. Cette intention doit aussi se traduire par un choix judicieux des moments, des lieux et des ambiances d'étude. Une attention et une concentration soutenues sont en effet fondamentales pour l'enregistrement de nouvelles connaissances ou la pratique de nouvelles habiletés intellectuelles (voir stratégies de concentration).

Quelques méthodes et techniques

  • Inscrire en clair ce qu’on se propose de retenir et pourquoi.
  • Estimer le temps nécessaire à une bonne mémorisation (préparation d’aide-mémoire; intériorisation; pratiques de rappel; révisions).
  • Prévoir dans son agenda ou sa liste de tâches une courte période de révision de la matière du cours précédent et un tour d’horizon de la matière à venir la veille ou juste avant chaque nouvelle période de cours.
  • Prévoir dans son échéancier une période mensuelle pour faire le point sur l’ensemble de la matière vue et à voir, de façon à conserver bien fraîche dans la mémoire une vision panoramique du domaine. Cette vue d’ensemble facilite la mise en relation des différentes parties et évite la fragmentation des connaissances en une multitude de faits dissociés les uns des autres.
  • Se faire passer des examens de connaissances ou se soumettre à des mises à l’épreuve des habiletés intellectuelles acquises.

L'approfondissement

On oublie vite ce qu’on ne peut rattacher à rien de concret et qui n’a pas de sens pour nous. L’approfondissement est un principe stratégique qui consiste à s’assurer d’une bonne compréhension de la matière à retenir, à établir des liens entre cette matière et ce qu’on connaît déjà, à faire des liens avec une réalité connue, à donner un sens personnel à cet apprentissage.

Les stratégies

L’approfondissement est à l'opposé d'une mémorisation mécanique des connaissances, ce qu'on appelle à tort « apprendre par cœur ». On retient beaucoup mieux ce qu’on comprend, mais on peut aussi parfaitement comprendre et oublier par défaut d’un effort spécifique d’intériorisation des informations comprises. Une approche en profondeur consiste :

  1. À explorer de façon complète, précise et méthodique la matière à apprendre. Pour retenir, il faut d’abord avoir vu et avoir pris conscience d’avoir vu.
  2. À organiser, en comparant, en classant, en structurant par ensembles et sous-ensembles les informations qu'on dégage de son exploration. Comme dans une grande bibliothèque, on retrouve plus facilement des connaissances bien ordonnées et bien indexées selon leur degré d’importance que des connaissances éparpillées en vrac. Une bonne organisation des connaissances permet de passer du général au particulier, de la vue d’ensemble au détail.
  3. À établir des liens avec ce qu'on connaît déjà, autrement dit à comprendre ce qu'on veut apprendre. On retient mieux ce qui a du sens. Même si l’on peut apprendre et retenir délibérément des listes de noms, d’objets ou de chiffres à l’aide de moyens mnémotechniques puissants, ce type de mémorisation n’a qu’une utilité réduite dans la vie. Ce type de mémoire peut cependant être utile pour la rétention de formules, de nomenclatures ou de termes techniques.
  4. À s'approprier ces nouvelles connaissances. Les trois premiers points lient mémorisation et stratégies d’observation, le quatrième consiste à transformer des contenus pour mieux les « digérer », à les reconstruire en fonction de ses préférences personnelles, de son style d’apprentissage, de ses besoins propres, à les associer à des images personnelles, à leur donner une coloration émotive personnelle.

Quelques méthodes et techniques

  1. Réécrire dans ses propres mots les points les plus importants.
  2. Traduire les contenus abstraits en images, en produisant ses propres exemples.
  3. Utiliser l’analogie pour mieux appréhender la complexité abstraite.
  4. S’imaginer dans la position de quelqu’un qui doit enseigner ces contenus et produire ses propres explications en termes clairs et compréhensibles.

La synthèse

La mémoire, c’est comme l’estomac. Quand on le charge trop, il à tendance à rejeter. Il est donc très important de se faire des menus mnémoniques légers, en sélectionnant les informations et en faisant une synthèse très soigneuse de ce qu'on se propose de mémoriser. Il n'est pas nécessaire de tout apprendre par cœur. Certains mots clés et certaines images bien fixés en mémoire suffisent à déclencher le retour de la majorité des informations qui y sont reliées. Avec un bon résumé, un tableau ou un schéma, on peut fixer en mémoire un ensemble de connaissances plus vaste, qu'on pourra reconstituer au besoin par association et logique. On trouve dans les manuels et dans les articles scientifiques des tableaux, des modèles, des résumés qu’on peut utiliser tel quels. Mais il est encore meilleur que cette synthèse soit un produit original de notre propre réflexion, suite à une étude approfondie, plutôt qu'un emprunt.

Les stratégies

Le principe général est de réduire le volume d'informations à retenir par regroupement, schématisation; de ne mémoriser que l'essentiel, en laissant tomber le détail et l'anecdotique; de se constituer des indices d'ancrage comme des titres, un système de numération, une disposition visuelle. Cela consiste à faire une sélection rigoureuse des éléments importants et à choisir une forme de présentation facile à visualiser en un coup d’œil : mots clés, formules, tableaux, schémas, symboles. Un mot, une image ou un symbole peut être considéré comme une clé dans la mesure où celle-ci « ouvre » un certain espace de mémoire contenant les informations qu’on désire retrouver. Une idée essentielle, une définition, une théorie peut être réduite à un mot, une formule ou un schéma simple. L’effort de mémorisation portera alors sur l’apprentissage « par cœur » de ces éléments clés, à partir desquels la pensée pourra retrouver ou reconstruire au besoin l’ensemble des connaissances qui y sont reliées.

L’habileté à faire cette sélection est probablement l’acquisition la plus difficile à développer, car elle est liée à la familiarité qu’on a avec le domaine de connaissances en question. Souligner, prendre des notes sont des techniques faciles à apprendre et à exécuter, elles sont très utilisées et même trop utilisées (quand les trois quarts d’un texte sont soulignés, c’est comme si tout était de même niveau d’importance). Mais savoir quoi souligner, quoi prendre en notes, dans quelles circonstances, et comment le faire de façon efficiente relève d’une intention précise et d’une réflexion en fonction d’un contenu et d’un contexte particuliers d’apprentissage.

Quelques méthodes et techniques

  1. Sélectionner rigoureusement les éléments clés.
  2. Fabriquer ses propres fiches synthèse.
  3. Faire ses propres résumés.
  4. Concevoir ses propres schémas ou n’emprunter que ceux qui vous conviennent.
  5. Condenser les informations importantes par ensembles et sous-ensembles de matière, une fiche et une seule pour chaque ensemble et chaque sous-ensemble.
  6. Organiser l’information sur chaque fiche de façon très visuelle : mise en page, couleurs, graphisme, symboles, dessins, etc.
  7. Ne jamais surcharger une fiche.

L'intériorisation

Intérioriser, c’est faire vivre dans sa tête les connaissances acquises. Cela consiste à évoquer dans sa tête les informations sélectionnées pour être retenues. Les revoir, les redire, se les expliquer, les visualiser, les entendre. Plus cette représentation mentale est précise, détaillée, dynamique, vivante, meilleure sera son ancrage dans la mémoire à long terme. On peut imaginer sa conscience comme un écran géant sur lequel on projette ce qu'on veut retenir, avec le son. On peut aussi évoquer, si cela est pertinent, les goûts, les odeurs ou les sensations tactiles.

Cette opération d’intériorisation demande un effort particulier et requiert qu'on lui accorde le temps nécessaire. Elle ne se fait pas automatiquement. Une bonne façon de faciliter cette évocation mentale est d'anticiper par imagination l'usage qu'on projette de faire de cette connaissance, comme se voir en train d'expliquer à quelqu'un d'autre ou de répondre à une question d’examen. La mémorisation ne consiste pas à se rappeler des choses passées, c’est bien plus un acte mental tourné vers le futur.

Par ailleurs, on ne retient pas les contenus de façon égale selon qu'on les a appris au début, au milieu ou à la fin de la période d'étude (effet de primauté et de récence), et selon que ces contenus ont un caractère remarquable ou non. On retient en effet mieux le début et la fin, les informations redondantes, les faits insolites, les exemples frappants, les anecdotes croustillantes. Cette rétention spontanée se fait souvent au détriment des idées et des principes généraux, qui ont un caractère plus abstrait, et sont donc moins accrocheurs que les exemples qui les illustrent. On aura donc intérêt à doser son effort pour compenser ces effets et mémoriser les informations plus discrètes et moins bien placées, en commençant tantôt par le milieu, tantôt à l’envers, et surtout en discriminant l’anecdotique de l’essentiel et en mettant plus l’emphase sur la mémorisation des idées principales.

Les stratégies

L’intériorisation consiste à faire l'effort d'évoquer dans sa tête le matériel qu'on veut retenir, après avoir caché le matériel original. C'est précisément cet effort de rappel qui permet la constitution d'une trace mnémonique durable tout en constituant le chemin qui permettra de retrouver ce matériel mémorisé plus tard. Pour que cette trace s'établisse de façon solide, il faut faire l'effort de se rappeler et de réviser plusieurs fois dans les moments et les jours qui suivent, puis à intervalles de plus en plus espacés par la suite. La révision consiste à vérifier et éventuellement à réapprendre ce qui est oublié. Le meilleur moyen d’ancrer des connaissances et des habiletés en mémoire est enfin de les utiliser le plus souvent possible, sous les diverses formes disponibles (écriture, discussion, applications). L’utilisation de plus d’une modalité sensorielle favorise cette intériorisation et les récupérations ultérieures : visualisations, images, schémas (modalité visuo-spatiale), répétitions à haute voix avec variations de ton et de rythme (modalité auditive et verbale), actions, gestes, mimiques (modalité kinesthésique).

Quelques méthodes et techniques

  • Visualiser dans sa tête les aide mémoire, fiches, schémas, tableaux qui forment la synthèse des connaissances acquises (modalité visuelle et spatiale de la mémoire).
  • Réciter et s’expliquer de mémoire, silencieusement ou à haute voix, les points essentiels de ce qu’on désire apprendre (modalité auditive et verbale de la mémoire).
  • Reproduire de mémoire les fiches synthèses.
  • Se faire passer ses propres examens.
  • Transformer la mémorisation en jeu collectif : organiser des concours de connaissance; se tester mutuellement; expliquer ce qu’on a compris aux autres et discuter.
  • Provoquer des rappels à périodes régulières et réviser les points oubliés. Plus fréquemment au début pour s’assurer d’une bonne consolidation de la trace initiale puis de temps à autre par la suite pour maintenir un accès facile aux connaissances acquises.

Applications aux cours

Pour éviter la dégradation des connaissances au fur et à mesure que le cours se développe, dégradation qui rend de plus en plus difficile la compréhension de la matière nouvelle (oublis de concepts, de théories et de faits vus antérieurement et nécessaires à la compréhension de la suite), il est souhaitable :

  • Avant le cours: de s’informer du sujet traité, de relire ses notes de cours et de lire la section du manuel de référence ou tout autre texte indiqué;
  • Pendant le cours: de diriger son attention vers la compréhension plutôt que vers la prise de notes mot à mot, d’avoir un système de prise de notes préétabli (codage des idées par importance, marqueurs de structure, abréviations, etc.);
  • Après le cours: de réorganiser ses notes assez rapidement et d’en extraire les points essentiels sous forme de fiches aide-mémoire.

Applications à la lecture

Pour retenir les éléments essentiels de sa lecture, il est primordial de clarifier rapidement ce qu’on cherche dans un texte. Ce qui est essentiel à retenir d’un texte n’est pas à chercher chez l’auteur mais dans son intention comme lecteur. La méthode de lecture devrait être choisie en fonction de cette intention. On ne lit pas de la même façon un chapitre de manuel de cours, un article scientifique pointu ou une thèse d’auteur. On ne choisit pas les mêmes contenus selon qu’on fait de la recherche documentaire, qu’on développe l’argumentaire d’un essai ou qu’on prépare un examen. Avant de lire dans le détail, il est bon de se faire une idée de l’ensemble du texte (intention de l’auteur, idée directrice, différents ensembles du texte et idées principales). On soulignera ensuite les points clés, en fonction de son intention. À la fin de la lecture, on prendra en notes et on organisera les points qu’on considère utiles et essentiels (toujours en fonction de son intention initiale) sous forme d’aide-mémoire (fiches résumé, fiches synthèse, schémas, etc.) et on consacrera son effort de mémorisation sur ces éléments clés, si besoin est, et non sur l’ensemble du texte.

Applications à la préparation des examens

Pour s’assurer que les connaissances essentielles sont bien ancrées et facilement récupérables dans sa mémoire à long terme, il faut préparer sa mémoire en fonction du type de récupération qu’on exigera d’elle. Il existe plusieurs manières de vérifier les apprentissages des élèves. Les tests dits objectifs mettent l’accent soit sur la reconnaissance de la bonne réponse parmi un nombre plus ou moins élevé de réponses fausses ou partiellement fausses, soit dans la restitution du bon mot ou de la bonne information dans un texte « à trous ». Ce type de test vise à vérifier la connaissance de faits (noms, dates, définitions, énoncés de théorie) et demande une préparation de type réflexe : à une question précise, une réponse tout aussi précise, comme dans les jeux télévisés. Les questions à développement visent plus à vérifier la compréhension et l’intégration des contenus de matière, tout en vérifiant par le fait même la connaissance des concepts, des éléments de théorie et des principales informations. Il convient donc de préparer sa mémoire en vue d’expliquer des parties de matière d’une manière logique et argumentée, en réponse à une question précise. L’effort de mémorisation portera moins sur le réflexe mnémonique (question-réponse du tac au tac) que sur l’intégration des principaux constituants de la matière, en s’assurant qu’on a suffisamment bien compris pour pouvoir expliquer à son tour. Enfin, les études de cas et la résolution de problème sont une autre façon de vérifier les apprentissages, visant à évaluer la capacité de l’élève à appliquer ses connaissances à une situation problématique donnée. L’apprentissage « par cœur » est nettement insuffisant à assurer la réussite dans un tel type d’examen. L’effort de mémorisation doit porter sur la mise en pratique des connaissances, sous forme d’exercices d’application.

  • Préparation : les techniques de questionnement, de rappel et de révision doivent être choisies en fonction du type d’examen. Il faut apprendre à répondre à des situations précises et non à réciter de la matière.
  • Passation : la mémoire, surtout sous la pression d’un stress, tend à libérer ses contenus en suivant son rythme propre, ses associations et ses détours spontanés. Il est préférable, de peur de lui bloquer le chemin, de noter tout d’abord en vrac ce qui vient spontanément sur un brouillon, puis ensuite de faire le tri, d’organiser, de rédiger et enfin de vérifier.

Exemple de fiche synthèse aide-mémoire

Thérapie rationnelle émotive

Ellis, 1983

Les êtres humains sont affectés, non par la réalité, mais par la façon dont ils perçoivent cette réalité. Les croyances irrationnelles induisent des verbalisations internes irrationnelles et mésadaptées. La remise en question volontaire de ces croyances peut amener à un changement des verbalisations internes et à des conduites mieux adaptées.

La thérapie rationnelle émotive vise à montrer aux individus comment ils induisent eux-mêmes leurs échecs et comment ils peuvent changer cela.

La thérapie rationnelle émotive provoque le changement chez les individus en les amenant à identifier clairement, comprendre, débattre et changer les verbalisations internes négatives pour des verbalisations plus rationnelles.

Axiome de base: la pensée est à l'origine des sentiments.

Meichenbaum (1989) croit plutôt à une influence réciproque de la pensée sur les sentiments et des sentiments sur la pensée.

Les trois catégories majeures de pensées irrationnelles :

  • Exemple 1 de pensée irrationnelle: «Je ne dois pas faire de fautes; si j'en fais, c'est terrible.» Conséquences attendues: stress, anxiété, désordres physiologiques. À remplacer par: «Je fais de mon mieux; je ne veux pas faire de fautes mais si j'en fais, je peux le prendre. Ça sera dommage, mais ça ne sera pas terrible.»
  • Exemple 2 de pensée irrationnelle: «Tout le monde devrait m'approuver et si ce n'est pas le cas, c'est épouvantable.» «C'est agréable d'être approuvé par les autres; mais si ce n'est pas le cas, c'est correct tout de même.»
  • Exemple 3 de pensée irrationnelle: «Les gens devraient être comme je le veux.» «Les gens sont ce qu'ils sont: je ne peux pas les changer mais je peux changer ma façon de réagir à eux.»

François Ruph, 1995

Exemple de fiche-synthèse aide-mémoire

Théorie de l'attribution

Weiner, 1979

L'aptitude d'une personne, son effort et la difficulté de la tâche ont une influence sur la façon dont cette personne perçoit l'origine de ses succès et de ses échecs.

La taxonomie de Weiner décrit:

l'aptitude comme un facteur interne, fixe et incontrôlable;

l'effort comme un facteur interne, variable et contrôlable;

la difficulté de la tâche comme un facteur externe, fixe et incontrôlable.

Les recherches sur l'attribution causale des échecs et des réussites indiquent, entre autres: que la réussite tend à être attribuée à des facteurs internes comme la compétence, alors que l'échec tend à être attribué à des facteurs externes comme la malchance ou la difficulté de la tâche (Weiner, 1974); que les réactions affectives sont maximales quand les résultats sont attribués à des facteurs internes (Weiner, 1974); que les étudiants qui attribuent un échec ou une réussite à leurs stratégies sont plus enclins à réviser leurs comportements que ceux qui l'attribuent à leur effort (Clifford, 1986).

Un changement du mode d'attribution vers des attributions causales internes, modifiables et contrôlables semble s'imposer comme un préalable souhaitable dans le cadre d'un programme d'entraînement à l’efficience cognitive et à la régulation métacognitive.

François Ruph, 1995

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